La Chine, c’est aussi la mère de tous les phantasmes. Attirances et répulsions. Ce qu’on a pu nous faire chier avec le spectre du méchant chinois conquérant, pour nous pousser à voter pour le Traité Constitutionnel Européen !
Le soir, au fond de leur plumard, les mêmes libéraux devaient se tripoter la nouille, assaillis de flashs obscènes : « la police chinoise défonçant les partisans du « non » à coup de balles réelles, des arrestations en cascades, le « oui » proclamé vainqueur avec 95% des voix. Le capitalisme sans les désagréments de la démocratie… putain, le pied !!!! ».
La Chine est le rêve politique inavouable des capitalistes occidentaux. Elle incarne leur désir d’hégémonie totale et incontestable. Elle annonce les ultimes tendances de développement d’un système mondial dont les pouvoirs de domination n’auraient plus de limites : le totalitarisme libéral, stade suprême du capitalisme.
Le problème, c’est que toutes les tendances sont toujours contrebalancées par des contre-tendances, et l’Empire du Milieu pourrait bien exploser à la gueule des classes dominantes. Le grand bond en avant vers le capitalisme, ça ne se fait pas avec du vent. Il en faut des bras pour arracher tous ces points de croissance ! Le pays le plus peuplé du monde… se retrouve donc avec le prolétariat le plus massif du monde.
Le prolétaire chinois vit, travaille et meurt dans les mêmes conditions que son camarade anglais… du milieu du 19ème siècle. Ni le slogan libéral « enrichissez-vous », ni la belle phrase communiste « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins », ne semblent s’appliquer à son cas. Donc, il se lasse et s’agite. Les nuages s’accumulent dans le ciel social chinois. L’orage n’est pas loin. Le régime de Pékin se retrouve le cul entre deux chaises. Lâcher du lest face aux travailleurs, c’est courir le risque de fâcher les investisseurs étrangers, mais s’entêter à céder aux exigences de ces derniers revient à allumer la mèche d’une bombe sociale qui ne tardera pas à péter. Et il n’est pas certain que les tanks et les matraques parviendront à endiguer le raz-de-marée.
Dernier petit souci : comme le rappelle l’économiste critique Michel Husson dans son dernier livre, « Un pur capitalisme », la croissance galopante chinoise traîne dans ses sillons une véritable catastrophe écologique.
Quelques exemples pour vous foutre un peu les jetons : la Chine accueille vingt des trente villes les plus polluées de la planète, les pluies acides arrosent un tiers du territoire, les eaux contaminées dézinguent 30000 gamins par an. Sympa, non ? Ce désastre plonge directement ses racines dans le rôle tenu par le « grand dragon » sur la scène du capitalisme mondial : les exportations chinoises représentent 23% de ses émissions de CO2. La Chine est à la croisée des chemins. Les spasmes qui l’agitent sont aussi les symptômes localisés de la crise systémique du capitalisme. Les choses étant emberlificotés à mort, il se pourrait bien qu’un acte décisif vers une alternative globale au système capitaliste se joue sur les rives de l’océan Pacifique.
On peut s’autoriser à rêver un peu, nous aussi : le Parti communiste chinois balayé par l’éruption d’un communisme véritable, ce serait marrant.
Texte : Munin Dessins : Fañch Ar Ruz
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