Ensuite, parce que Jospin pensait qu’en avouant sa maladie honteuse et en appliquant la formule « une élection présidentielle se gagne au centre » (un des adages les plus stupides en politique), il raflerait la mise et deviendrait calife à la place du calife. Pas de chance ! Le 21 avril 2002, il réalisa le double exploit de rater le second tour des présidentielles et de faire un score minable. Prenant à la lettre son avertissement, ceux qui étaient de droite préférèrent l’originale à la copie, quant aux électeurs de gauche pour de vrai, ils restèrent chez eux ou allèrent voir ailleurs. Notre ancien premier ministre quitta la politique la crotte au cul en nous laissant en plan avec un facho au second tour et en installant la droite la plus réactionnaire depuis le régime de Vichy dans un fauteuil qu’elle ne quittera de sitôt. Merci beaucoup…

La droite, mais en plus gentille

Le plus important dans cette histoire, c’est que pour la première fois, un dirigeant socialiste avouait plus ou moins clairement que son parti était de droite. La boite de Pandore était béante et laissait s’échapper dans la nature des monstres plus terrifiants les uns que les autres. Sous le patronage de François Hollande, une sorte de « Flamby » aussi lâche que démago, les socialistes se montrèrent encore plus décomplexés dans l’étalage obscène de leurs convictions de droite. En 2005, Ils contractèrent une « Sainte Alliance » avec l’UMP et ne ménagèrent pas leur peine pour défendre un projet de constitution européenne qui canonisait « la concurrence libre et non faussée », dont tout le monde sait qu’elle constitue l’épine dorsale des valeurs de gauche !
Jospin sortit même de son sarcophage pour voler au secours de Giscard, une autre momie de la politique. Vaincu par le vote populaire, il dû, pour notre plus grand bonheur, se re-retirer de la vie politique.

Jospin s'exile sur l'ile de Ré et ne veut plus faire de politique


Le meilleur était pourtant à venir avec notre chère candidate Ségolène, mutante bougeoiso-militaro-biblique. Son slogan « l’ordre juste » la propulsait dans le cercle très fermé des mots d’ordre les plus réactionnaires de l’histoire de France, en bonne place aux côtés de « Travail, Famille, Patrie », « La France aux Français » ou encore « la chance aux chansons ». La campagne présidentielle socialiste de 2007 fut un véritable feu d’artifice bigarré de capitalisme sauvage, de nationalisme primaire et de paternalisme méprisant : la taule pour les mineurs, des drapeaux français dans toutes les maisons, la remise en cause des déjà très boiteuses 35h, une politique sociale fondée sur le « donnant-donnant » … La conne ! Elle était tellement sur la même longueur d’onde que Sarkozy que le « duel télévisé» d’entre les deux tours, ressembla à un clip électoral de l’UMP chanté à deux voix. Ce qui donnait à peu près ça :

Sarkozy : « Madame Royal, les 35h, c’est très mauvais pour la compétitivité, si je suis au pouvoir, ils seront abrogés. Je suis certain que vous savez vous-même que c’est la meilleure des solutions ! »

Royal (l’air horrifié, blessé, au bord de la crise d’épilepsie) : « Euh...non, je suis en total désaccord avec vous, c’est insuuupporrrtable, mais quelle horreur, vous êtes un monstre !!! Moi, au contraire, je les supprimerai gentiment. »

Après la victoire logique de Sarkozy, les leaders du P.S poussèrent le bouchon encore un peu plus loin. En aout 2007, Vincent Peillon, dans un torchon aussi pompeux qu’insipide publié dans le Nouvel Observateur, accusait le marxisme d’être la cause de la défaite du PS (comme si Jospin au pouvoir avait fait du « Marx appliqué… »). Il nous révélait l’ambition ultime du parti socialiste : « gouverner » et dévoilait la clé de la réussite : « l’acceptation du marché, et la recherche de nouvelles solidarités ». Etre de droite avec compassion et compréhension, en somme. Pendant ce temps, Dominique Strauss-Kahn acceptait le su-sucre de Sarkozy en devenant commandant en chef du Fond Monétaire International, la principale machine de guerre du capitalisme dans son entreprise de pillage mondial. Il allait se montrer d’une efficacité redoutable pour aider la crise économique à devenir une catastrophe sociale pour les pauvres et un miracle financier pour les banques. Enfin, Manuel Valls jouait au futur Sarko de « gauche » depuis sa mairie d’Evry. Il arpentait les marchés en pestant contre le manque « de white, de blancs, de blancos » et distribuait des bons points au gouvernement pour sa politique économique et sociale tout en incitant le parti socialiste à aller plus loin s’il revenait au pouvoir en 2012. Les socialistes qui accusèrent de traitrise les ministres d’ouverture de Sarkozy sont de fieffés hypocrites. Les soi-disant félons ont simplement eu le bon sens d’aller jusqu’au bout de la logique du PS. Il est moins choquant d’être de droite dans un gouvernement de droite que de continuer à faire semblant d’être de gauche. Et le récent coup de peinture rose passé à la hâte sur les postures et les discours du parti pour être en phase avec la crise économique et sociale ne doit tromper personne. Mais en fin de compte, nous sommes horriblement injustes ! Nous aurions tort d’accabler ses pauvres dirigeants socialistes. Sans l’acquiescement sans faille de la majorité des militants, la conduite à droite des ténors du parti n’aurait pas les coudées aussi franches.

Un militant du parti socialiste français en coma profond


Du côté confortable de la Barricade

Cette prise de position du « bon côté du manche » apparait d’une évidence désarmante à la lumière de la réalité sociologique du Parti Socialiste. Avocats d’affaires, universitaires, entrepreneurs : la majorité de ses dirigeants appartient à la bourgeoisie libérale et a largement profité des largesses du système institutionnel pour accroitre son patrimoine et cultiver sa proximité avec le capitalisme financier. C’est ainsi que dans le dernier bouquin de Delanoë, on découvre sans surprise que ce dernier est « ami avec Arnaud Lagardère ». Par contre, en 299 pages on ne lui trouve aucun pote sans-papiers, ouvrier ou chômeur… ce qui en théorie devrait pourtant pouvoir se faire. On en trouve encore quelques-uns dans les rues de la capitale.

Quant à la majorité des militants, elle est blanche, plutôt vieille, fortement diplômée et cadre de la fonction publique. En bref, le PS est le parti des classes moyennes aisées dirigé par des nantis, « le parti de la France qui se porte bien » pour reprendre l’expression du journaliste François Ruffin. Etranger aux souffrances et aux combats des classes populaires, il n’y a aucune raison pour que le PS défende un programme et une action en phase avec les intérêts des dominés. Il nie d’ailleurs leur existence en même temps que celle de la lutte des classes. Si vous vous demandez encore de quel côté de la barricade se trouvera le Parti Socialiste le jour où ça pètera, au moment fatidique, cherchez Lagardère… et vous chaufferez.

Texte : Munin
Dessins : Fañch Ar Ruz
Sous licence creative commons BY-NC-ND