lundi 27 août 2012
lundi 27 août 2012
Par Fañch Ar Ruz, lundi 27 août 2012 à 17:00 :: Comme des porcs ! :: #607 :: rss
Changer les hommes avec des géraniums
Vous pouvez aussi lire le livre en entier ici et/ou l'acheter là
4ème rubrique du deuxième chapitre - La France pays des Veilleuses - p.151
Tout le monde aujourd’hui, à part peut-être Claude Allègre, s’affiche écologiste. Cette belle unanimité n’est pas sans ressemblance avec l’engouement pour la démocratie participative. Il y a là un paradoxe savoureux. Car c’est au moment même où le monde des idées et des belles paroles est saturé par la préoccupation pour Dame Nature ou entièrement dévoué à la prise en compte des avis de chacun, que dans le monde réel, la planète est ravagée comme jamais et que les décisions publiques sont confisquées par une poignée de privilégiés.
C’est l’un des traits marquant de la sale époque qui est la nôtre. Affolés par la crise de système qui nous attire chaque jour un peu plus au bord du précipice, le trouillomètre à zéro devant les choix audacieux et les ruptures radicales qu’il faudrait imposer de toute urgence pour sortir du merdier dans lequel nous noie le système capitaliste, beaucoup, par frousse ou pour sauver les meubles, préfèrent s’agripper à de grandes idées qui épargnent à tous les coups le cœur de la cible. Il existe une expression pour cela : « tout changer pour que rien ne change ». On peut acheter des produits « bio » chez Leclerc tout en continuant à se lamenter sur la hausse des prix des denrées alimentaires. On peut aussi gaspiller ses soirées dans des Conseils de Quartier en ayant l’assurance, qu’au bout du compte, ce sera monsieur le maire qui prendra les décisions importantes dans son bureau.
Depuis plus de trente ans, l’écologie politique a joué un rôle indéniablement important dans la prise de conscience collective de tous les malheurs qui accablent notre belle planète. Avoir lancé, au cœur des trente glorieuses boostées par la croissance, ce qui alors ressemblait fort à une croisade à la Don Quichotte, pour aujourd’hui servir de leurre au système en travestissant les conséquences de nos problèmes en leurs causes premières, voilà qui est pitoyable. Et c’est ce que font justement les écologistes dominants.
« Responsabilité ». Un sésame vers un monde sans pollution, dans lequel des tigres gentils couvriraient de bisous des enfants dans une prairie verdoyante, un peu comme sur une couverture de « Réveillez-vous », le grand magazine des témoins de Jéhovah.
Responsabilité de qui ? De tout le monde, visiblement. Mais à prêter plus d’attention à la vulgate écolo qui envahit les ondes et les images, on découvre qu’il s’agit avant tout d’éduquer et de bien dresser « monsieur et madame tout le monde » à faire les bons gestes pour sauver Mère Nature. « Éteignez les lumières, faites plus de vélo, prenez le train, mangez bio, triez vos déchets, gardez la même eau du bain pour six personnes, construisez vos propres maisons en torchis… ». Veiller à ménager la planète en tachant de ne pas se comporter comme un gros porc est nécessaire mais insuffisant. Le problème, c’est que responsabilité individuelle et responsabilité des grands groupes capitalistes semblent se valoir dans la dégradation de l’environnement. Un type qui jette un papier par terre apparait aussi coupable que Total qui ravage les plages de Bretagne ou que les grandes industries vomissant des tonnes de dioxydes de carbone dans l’atmosphère. La doxa verte se concentre sur les comportements individuels et acquitte le mode de production capitaliste en feignant d’ignorer que les premiers sont surdéterminés par le second. Pour régler le problème, il suffirait de discipliner le système, de l’appeler à la raison comme on tente de le faire pour le citoyen lambda à coup de campagnes publicitaires moralisatrices.
Le manifeste politique du nouveau grand mouvement appelé à changer le monde, « Europe Ecologie – Les Verts », ne laisse d’ailleurs aucune ambigüité sur le sujet : la société écologique passe par la régulation du marché. Sans déconner ! Qui peut penser sérieusement qu’il est possible de réguler un système qui carbure à la prédation des êtres humains et des ressources naturelles ? Comment mettre en place un capitalisme non productiviste ? C’est comme si, vous retrouvant dans la jungle nez à nez avec un tigre, vous essayiez de l’amadouer en lui lançant : « couché Kiki ! ». Visiblement les nouveaux héros des temps modernes, que sont les militants EELV sont de ceux là. Ils passent beaucoup de temps à faire les gros yeux à ce qu’ils appellent la gauche traditionnelle, coupable, selon eux, de subordonner le problème écologique à la question sociale. La critique n’est pas complètement infondée. Mais que font les nouveaux Verts ? Exactement la même chose mais en sens inverse. L’écologie devient dans leur bouche la solution magique à tous nos maux : manque de démocratie, inégalités sociales, rapports entre le Nord et le Sud... et j’en passe.
Pourtant, il serait peut-être possible de penser ensemble crise écologique et massacre social en reconnaissant que ces deux plaies découlent du vampirisme du Capital. Notre monde étant fini et nos ressources limitées, la soif d’auto valorisation perpétuelle du capitalisme ne peut que nous mener à une destruction certaine. Entre les mains de ce système, l’homme n’est qu’une ressource exploitable à merci. Le Capital nous entraine donc dans une crise écologique et anthropologique sans précédent dont l’issue peut nous être fatale. Certains climatologues estiment que pour juguler un réchauffement climatique qui aurait des conséquences catastrophiques, il conviendrait de stabiliser les émissions mondiales issues des carburants fossiles d’ici 2015 au plus tard, pour les faire chuter ensuite à un rythme annuel de 6 à 8%.
Ainsi, si l’on veut avoir la moindre chance d’éviter la banqueroute écologique et son cortège de ravages, il est impératif d’entreprendre une transformation radicale, coordonnée et planifiée de l’infrastructure économique mondiale.Mais l’incapacité des évolutions techniques à répondre seules à ce défi rendrait nécessaire une évaluation des productions en fonction de leur utilité sociale pour l’humanité et de leur nocivité pour l’environnement, l’abandon des plus nocives écologiquement et des moins utiles socialement et la réorientation radicale de l’ensemble de l’appareil productif en priorisant la réparation, la sauvegarde et le renouvellement des écosystèmes et la satisfaction des besoins sociaux.
Ce ne sont certainement pas les multinationales où les gardiens du marché mondiale qui consentiront à un tel bouleversement. La responsabilité de ce virage à 180 degrés ne peut reposer que sur l’intelligence collective de l’ensemble des populations concernées qui doit impérativement bénéficier du pouvoir politique nécessaire pour relever un tel défi. Un tel bouleversement réclamerait donc une politique fondée sur l’appropriation commune des biens de production à toutes les échelles, la coopération internationale, et la planification démocratique. Toutes ces mesures sont bien évidement aux antipodes des logiques capitalistes. Cela ne parait pas arriver jusqu’aux cerveaux des rédacteurs du manifeste d’Europe Ecologie – Les Verts. Se hisser à la hauteur de ces enjeux représente pourtant un beau challenge en termes de responsabilité. Que ce soient toujours les pauvres qui paient cash en cas de catastrophe naturelle aurait pourtant dû leur mettre la puce à l’oreille. Il faut croire que le capitalisme se fait moins pénible dans la grisaille septentrionale. Surtout pour des bureaucrates verts.
La responsabilité, c’est vraiment le truc des pontes d’Europe Ecologie. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont décidé de catapulter une magistrate sévère et donneuse de leçon à la candidature de la présidence de la République. D’ailleurs, en matière de responsabilité, les grands leaders de l’écologie politique sont irréprochables. En témoigne, Dominique Voynet, ministre de l’environnement en 1999, restant les bras ballants devant les tonnes de merde déversées par Total sur le littoral breton. Le cas du président de « l’association des amis d’Europe Ecologie », Gabriel Cohn Bendit, ne manque pas non plus d’intérêt. Le grand frère de Dany en pince pour le Burkina Faso. A tel point qu’il n’hésite pas à cirer les pompes du président Blaise Compaoré pour obtenir la nationalité burkinabé. Que Compaoré soit l’assassin (télécommandé par la France) du révolutionnaire Thomas Sankara, qui dans les années 1980 a lutté avec succès contre l’impérialisme et pour l’autosuffisance alimentaire de son pays, ne semble pas titiller le sens des responsabilités de Cohn Bendit. Pourtant l’égalité entre le Nord et le Sud, la relocalisation des productions et la souveraineté alimentaire font partie des marottes de la nouvelle organisation politique écologiste.
Les écolos n’aiment ni la pub ni le consumérisme. Ils le répètent souvent. On devrait peut-être les prévenir qu’avec sa marque « Ushuaïa », leur pote Nicolas Hulot est en fait une grosse poule mécanique « made in TF1 » qui pond en cascade une multitude de produits dérivés « cent pour cent nature » (comme par exemple des bâtons d’encens cancérigènes retirés du marché en 2004), et des messages publicitaires « purement éthiques ». En 2005, les produits étiquetés « Ushuaïa » rapportaient 100 millions d’euros de chiffre d’affaire. Il faut croire que c’est cela que les amis de la nature appellent « réguler le marché ». Espérons au moins que de temps à autre, Nicolas envoie des caisses de gel douche aux autochtones de cette petite ville de Patagonie grâce à qui il se fait des couilles en or, histoire de les remercier.
Ce n’est pas l’existence d’un chapitre « vivre ensemble » dans leur projet politique pour 2012, ni les déclarations de Daniel Cohn Bendit qui dissiperont nos soupçons. « Il faut savoir ce qu’on veut, est-ce qu’on veut être de gauche et perdre ou est-ce qu’on veut battre Nicolas Sarkozy? ». Sous-entendu : pour battre Nicolas Sarkozy, il faut être libéral comme lui, et donc soutenir DSK. Ah… sacré Cohn-Bendit ! Toujours prêt à toutes les alliances pour filer un coup de pouce à Dame Nature ! Avec les sociaux-démocrates, les libéraux ou la CDU en Allemagne. Avec le Modem ou le PS en France. Le temps a transformé Dany « le rouge » en Dany « le vert caca d’oie/jaune pisse ». Il faut convenir que tout cela est logique et que la couleur du fumier va comme un gant à ce grand ami de la terre.
Résumons la situation. L’avenir de la planète est donc entre les mains d’un mouvement opportuniste, de droite, électoraliste, qui ne s’en prendra jamais au capitalisme et qui, par-dessus le marché, protège des terroristes qui assassinent les pauvres gens à coup de bâtons d’encens empoisonnés. Finalement, la prophétie Maya qui annonce la fin du monde pour 2012, ce n’est peut-être pas du flan…
Texte : Munin
Dessins : Fañch Ar Ruz
Sous licence creative commons BY-NC-ND
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Ajouter un commentaire
Les commentaires pour ce billet sont fermés.