Lutte des places et mirage démocratique

C’est maladif. Le parti communiste continue partout où l’occasion se présente de coller aux basques du PS comme un morbac pour s’accrocher au pouvoir institutionnel. Car, qui dit pouvoir institutionnel dit pouvoir symbolique et matériel et possibilité d’entretenir l’appareil… qui ne sert plus à rien d’autre qu’à produire des petits cadres serviles… qui iront à leur tour à la chasse aux élections pour… nourrir l’appareil. Peu importe si pour cela on doit servir les pires politiques capitalistes, renforcer le système et ses injustices au lieu de le remettre en cause. Peu importe s’il faut rester cinq dans un gouvernement devenu le champion toute catégorie de la privatisation, en y apportant même une petite contribution active. On se souviendra du cher « camarade ministre » Jean Claude Gayssot, nous expliquant benoitement que l’ouverture du capital d’Air France n’avait rien d’une privatisation. Sarkozy en prendra de la graine quelques années plus tard en nous refaisant le même coup avec EDF, puis avec La Poste. L’expérience gouvernementale du P.C.F aura au moins été utile…à la droite revenue au pouvoir. En politique, la combine « Ceci n’est pas une privatisation » est devenu un classique aussi fameux que le tableau « Ceci n’est pas une pipe » en peinture.

Gayssot et les privatisations de Jospin

L’expérience de la gauche plurielle et la claque de 2002 auraient du être un électrochoc conduisant à une prise de conscience. Ce fut le contraire qui se produisit. En 2004, on retrouva le P.C.F dans les exécutifs régionaux aux côtés du P.S. Dans les municipalités, même à direction communiste, même topo. A croire que le « grand parti des travailleurs » ne vivait plus que pour son grand frère social-libéral. Son orientation politique dissipait d’ailleurs toute ambiguïté sur le sujet : « tout faire pour ancrer le parti socialiste à gauche ». Franchement bandant comme projet !
Après 2005, alors qu’il avait joué un rôle incontestable dans la victoire du « non » au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen, le naturel autocratique et électoraliste revenait au galop avec la tentative d’imposer Marie-Georges Buffet comme candidate unitaire de la « gauche antilibérale ». Enfin, aux municipales de 2008, son obsession de sauver ses miches poussait le PC dans les bras du Modem dans plusieurs villes et parfois dès le premier tour, comme à Montpellier. On attend avec impatience une alliance avec Dupont-Aignan ou De Villepin pour les municipales de 2014 ! Le cercle vicieux ne semble pas avoir de fin. Plus le P.C.F s’engage dans la gestion et la prostitution électorale, plus il se mange de gamelles. Plus il se vautre, plus il essaie de se faire une petite place dans les exécutifs régionaux, les conseils municipaux et autres niches bien douillettes. L’autisme guette.

Il parait incroyable qu’une Direction puisse continuer à mener toute une organisation au suicide sans être inquiétée. Le sortilège rendant possible cette fuite en avant opère à deux niveaux. On continue à faire croire à des militants déboussolés, de plus en plus vieux et de moins en moins nombreux, qu’il n’y pas de différence entre les intérêts du parti et leur conviction que la société doit changer. Bon, il faut quand même avoir une tonne de merde dans les yeux pour continuer à gober ça, mais passons.
Dans le même temps on s’assure de l’impuissance de la « base » et on coupe les couilles aux plus critiques en organisant une absence perpétuelle de démocratie qui s’affiche portant comme sa forme la plus moderne et la plus aboutie. Laisser causer les adhérents sans jamais leur offrir les moyens de décider sur les grands enjeux, organiser les congrès par le haut…et quand il y a tout de même un risque de dérapage, les transformer en simple « conférence nationale » sans ordre du jour précis, constituent des techniques bien rodées.

Le grand parti des prisonniers des trente glorieuses

Pour expliquer ce qui arrive au PC on aurait tort de s’arrêter à des réactions affectives comme le font certains trotskistes en accusant les dirigeants d’être des traîtres et des vendus. C’est parce que le PC est complètement intégré au système, au point d’être devenu l’un de ses rouages, qu’il a tourné casaque, et non l’inverse. Pour être tout à fait exact, le Parti fut l’organe d’un monde qui n’a plus cours : celui des trente glorieuses, du grand compromis Capital/Travail scellé par la construction de l’Etat social.
Il en fut à la fois l’un des principaux architectes et l’un des premiers bénéficiaires. Des milliers de mairies dirigées, un groupe parlementaire puissant, des moyens matériels à foison, des cadres en pleine ascension sociale, des permanents à ne plus savoir qu’en foutre… le Parti doit tout à cette époque, au point de se confondre avec elle. Il ne peut donc pas se résoudre à la voir disparaitre, ni par la remise en cause du capitalisme, ni par une offensive libérale. Blocage.

Voila pourquoi son programme consiste à rejouer les trente glorieuses en plus idéalisées : un super Etat-providence, qui assurerait une méga protection sociale… sans ébranler les fondations du système capitaliste. Il n’est pas question pour les dominés de reprendre leurs affaires en main pour dessiner eux-mêmes les contours de leur propre société, mais d’attendre sagement que des institutions bienveillantes leur permettent de souffrir un peu moins. « Mieux vivre, on y a droit ! » décrétait Marie Georges en 2007. De quoi faire trembler les capitalistes et fantasmer tous les damnés de la terre. Résultat : 1, 93%.
Ceux qui votent encore pour ce parti sont issus principalement de cette petite couche moyenne qui flippe que le libéralisme les fragilise. C’est donc bien la peur qui les unit à des notables qui craignent pour leurs fesses.

Cortèges du PCF et des JC


Aujourd’hui encore, rien ne change. La création du Front de Gauche est une sorte de voyage au bout de la nostalgie. Avec Mélenchon qui se prend pour Jaurès sans en avoir les moyens et son « Parti de Gauche » qui fait de la « République » la solution miracle à tous nos problèmes, le P.C.F a enfin déniché son nouveau déguisement: l’alliance du parti des trente glorieuses avec celui de la Troisième République, pour mener la grande révolution par les urnes ! Le seul hic, c’est que la réalité continue à bouger, imposant impitoyablement une date de péremption à tous ceux qui regardent vers le passé pour tenter de changer la société que nous subissons aujourd’hui. Fatalement, il arrive au PC, comme à d’autres, ce qu’il advient d’un mammouth délivré des glaces après une interminable hibernation. A l’air libre, il pourrit à une vitesse effrayante.

Mélenchon se prenant pour Jaurès pendant les régionales de 2010


Télétubies versus Staliniens moisis

C’est dans les allées de la fête de l’Huma que l’on peut palper le plus sensiblement les affres de la sénilité avancée qui ravagent le parti communiste français. On lève la tête pour découvrir le slogan du stand national du parti: « Communistes comme un grand ciel ! ». On se met aussitôt à chercher la planque à LSD de la Direction, histoire de se mettre à niveau et de passer un bon week-end. On continue, on marche, toujours plus fébrile à la lecture de harangues super subversives du style : « vivre mieux ensemble », « changer la vie » ou encore « des emplois pour tous, c’est possible ! », et au bout d’un moment, à bout de nerfs, mais croyant entrevoir le bout du tunnel, on se réfugie dans un stand d’où s’échappe les notes de « l’Internationale ». Et là, boum ! On tombe nez à nez avec des gros staliniens qui vendent des bouquins de Maurice Thorez, arborent des badges « P.C.F ne pas perdre sa raison d’être ! » en expliquant que « le parti communiste, c’était mieux avant » et que « le marxisme-léninisme c’était vraiment la solution ».

Alors, on se sauve à toutes jambes pour aller retrouver d’autres camarades lucides, démystifiés, mais qui n’ont pas renoncé à foutre en l’air cette putain de société et à changer le monde. Et on picole en se disant que, vraiment, le communisme et la subversion sont ailleurs…

Marx et Engels quittent les vieux partis de gauche momifiés


Texte : Munin
Dessins : Fañch Ar Ruz
Sous licence creative commons BY-NC-ND